++ Investissement dans le secteur touristique au Maroc : Le seuil de rupture

· Pour la première fois, la barre de 10.000 nouveaux lits sera franchie cette année
· L'hôtellerie bénéficie de la visibilité stratégique apportée par l'accord-cadre
Cette fois-ci, on peut vraiment parler de rupture en matière d'investissements touristiques. Jawad Ziyat, le dynamique patron de la direction des Aménagements et des Investissements au ministère du Tourisme, résume à sa manière la surchauffe actuelle dans l'hôtellerie marocaine.
L'hôtellerie, colonne vertébrale du tourisme, bénéficie naturellement de la continuité stratégique du secteur dans son ensemble. Ce n'est pas d'ailleurs par hasard si l'essentiel des flux d'investissement, surtout étrangers vers le Maroc, se concentrent aujourd'hui dans ce secteur. Faute d'opération d'envergure en matière de privatisation, le tourisme apparaît au passage comme le principal produit d'appel pour l'investissement étranger, si important pour tirer la croissance.
Que l'investissement se maintienne dans une activité si sensible aux aléas géopolitiques et qui dépend étroitement de la situation économique dans les marchés traditionnels du tourisme est très important. Cela pourrait signifier que les promoteurs, notamment les grands acteurs mondiaux du tourisme, parient de manière durable sur la destination marocaine. Leur analyse est que la volonté politique pour faire sauter tous les verrous est bien réelle et que par conséquent, les fondamentaux existent. Mais rien n'est jamais gagné ni acquis, prévient un expert. (Le travail de prospection ne doit pas faiblir ainsi que l'effort d'assainissement de l'environnement institutionnel), poursuit-il. Il faut continuer à améliorer tous les paramètres de l'investissement.

40.000 lits en cinq ans
Si l'on excepte les six stations balnéaires du plan Azur qui feront émerger de nouvelles destinations, les deux principaux pôles touristiques du pays, Marrakech et Agadir attirent la plupart des investissements. Le risque de saturation que l'on pouvait craindre notamment pour Marrakech n'est plus d'actualité. C'est du moins le diagnostic des professionnels de la région et du ministère du Tourisme. La ville ocre, véritable star de l'offre marocaine sur le marché international, dispose encore d'un potentiel de croissance. Reste à soutenir cette réserve de croissance par une politique de promotion et un transport aérien adapté et compétitif.
Même durant les périodes fastes, au milieu des années 80, jamais le Maroc n'avait réussi à ajouter en une seule année plus de 10.000 lits à sa capacité commerciale comme il s'apprête à le faire en 2003. Parmi les grosses opérations qui seront achevées cette année, on notera le projet de Britannic Hotels à Skhirat, un hôtel de luxe et un palais des congrès de 600 places, le projet de Ber Anas, une unité hôtelière sur le boulevard d'Anfa à Casablanca (elle sera gérée par Dorint), le deuxième hôtel de Sotoram à Marrakech (juste en face du Palais des congrès), le projet Thomas Cook à Agadir, etc. Ces 10.000 lits viendront s'ajouter aux 103.000 lits que comptait le parc hôtelier national à la fin de l'année dernière. Mais on est encore loin de la taille critique considérée par l'Organisation mondiale du tourisme (OMT), 150.000 lits comme un critère d'éligibilité au statut de destination touristique majeure.
Reste que comparé au passé, l'investissement touristique a franchi un palier supplémentaire: durant la décennie 1990-2000, il se construisait en moyenne l'équivalent de 2.200 lits par an. Trop faible pour prétendre jouer dans la cour des grands sur le marché international. Les premiers signaux de reprise sont apparus en 2001, quelques années après la marque d'intérêt des majors mondiaux vers la destination. La (stratégie du lièvre) a manifestement bien fonctionné pour le Maroc. L'arrivée d'un grand opérateur mondial suscite de facto l'intérêt auprès de la concurrence. En 2001, on est passé à une moyenne de 3.800 lits avant d'en réaliser 6.000 l'année dernière. Pour atteindre les objectifs de la vision 2010 en matière d'extension de la capacité (160.000 nouveaux lits), il faudrait en plus de l'ensemble des projets déjà identifiés (ceux qui sont en cours de réalisation, projets conventionnés, nouvelles stations et zones touristiques) rajouter 29.700 lits supplémentaires, selon les estimations du ministère du Tourisme.
Le pari ne sera pas facile, mais si le rythme actuel est maintenu en dépit des incertitudes de la géopolitique internationale, tout sera alors possible. Ce qui est sûr en revanche, c'est que le tableau prévisionnel des projets d'investissement est impressionnant. Et il s'agit vraiment des opérations concrètes, insiste Jawad Ziyat. Pour ne prendre que le cas des projets bénéficiant du régime conventionnel (à partir de 200 millions de dirhams d'investissement) de 2002 à 2006, l'investissement total (création de nouvelles unités, extension ou rénovation de l'existant), s'élève à 16,81 milliards de dirhams, correspondant à une capacité de 40.000 lits.

Abashi SHAMAMBA